Dans son introduction rédigée en 2004 pour la réédition de son livre La Guerre des enfants , Stéphane Audouin-Rouzeau avoue combien son étude de 1993, « aurait pu approfondir la question du genre » et que des travaux sur ce sujet sont alors en cours, notamment une thèse de Manon Pignot. Avec son article « Petites filles dans la Grande Guerre. Un problème de genre ? » , cette chercheuse explore les journaux intimes d’enfants pour comprendre quels déterminants modifient, d’un enfant à l’autre, le rapport à la guerre. Si le genre, question nouvelle en 2006 chez les historien.nes, joue son rôle dans l’individualisation des expériences de guerre, surtout pour les fillettes ou les adolescentes en zone occupée, la situation géographique, la classe sociale et d’autres facteurs interviennent également. La culture du milieu social n’est pas évoquée. Elle semble pourtant fondatrice d’un certain regard de chacun.ne sur la guerre. Les discours formulés par les adultes n’ont-ils pas une influence normative sur les expériences de guerre que les enfants restituent au travers de leurs récits ? Dans ce flux culturel, nul doute que les images véhiculées par la presse, l’édition enfantine ou adulte, les affiches, cartes postales ou autres papiers volants commerciaux ou politiques, participent de la construction des imaginaires de chacun.e.


   Quelle place les représentations de guerre donnent-elles aux enfants ? Et surtout, comment les différences de genre structurent-elles ce flot visuel marqué pour une part par la « brutalisation » qui caractérise en partie cette période ?
Question délicate. Et d’abord, comment définir le genre ? Pour le Museum d’histoire naturelle de Paris, le genre est « une convention de catégorisation binaire (masculin / féminin) qui met en place une différenciation sociale culturellement apprise mais calquée sur une différenciation biologique, celle de l’appareil reproducteur (« mâle » / « femelle ») ». Plutôt que « différenciation sociale », nous préférerions « hiérarchisation sociale », tant dans nos sociétés la frontière de genre a d’abord pour fonction de justifier la domination masculine. Le genre est un ressenti, une expression, mais aussi un attribut, dans le regard d’autrui. Concernant nos dessins de guerre, qui désignent rarement le genre des personnes représentées par un prénom, un pronom ou un accord d’adjectif, le « genre » s’interprète à partir de l’expression de genre des personnages figurés. Sauf exception culturelle en ce qui concerne la Grande Guerre (kilt porté par certains soldats), le principal déterminant réside dans l’opposition pantalon/robe-jupe, cheveux courts/longs, mais également par le type de tissus et de motifs portés, etc. Dans les images de presse, hormis concernant les enfants en très bas âge pour lesquels le genre est indécelable, la plupart des représentations bornent de manière très nette les frontières entre hommes-garçons et femmes-filles.

   La place de l’enfant dans l’image de guerre

   À en croire divers historiens, dont Stéphane Audouin-Rouzeau, l’image de l’enfant tient une place prépondérante dans la propagande de guerre. Cette affirmation s’appuie sur le grand nombre et une grande diversité d’images produites pendant le conflit : cartes postales, affiches, journaux, jeux, véhiculent une iconographie dans laquelle la jeunesse tiendrait une place prépondérante.
Les études historiennes consacrées aux images ne recourent jamais à la statistique pour valider leurs affirmations. Nous avons déjà tenu à pondérer certaines thèses concernant l’étude des cartes postales de la Grande Guerre. En effet, il est facile de constater que les recherches académiques s’appuient sur des corpus biaisés, constitués sur la seule foi de leur correspondance aux attendus de guerre : les armes, les uniformes, les chefs de guerre, les ruines principalement . La statistique n’est quasiment jamais appelée pour confirmer des hypothèses, sauf exception . À chaque fois il faudrait s’interroger : les images étudiées sont-elles représentatives de la production de l’époque ?...

Retrouver la suite de cet article dans notre recueil "L'enfance en guerre" édité par le musée du Vermandois. 
117 pages. 10 euros. illustrations couleurs.
Disponible au musée ou sur demande au 06-10-26-56-68
 

 


 

14/18 et l’enfance : une « propagande » visuelle genrée. Guillaume Doizy
Retour à l'accueil