1939 en Tambour et trompettes : le jeune Oscar Matzerath témoin des combats de Dantzig dans Le Tambour de Günter Grass
09 janv. 2025Iconoclaste et provocateur, l’écrivain allemand Günter Grass, prix Nobel de littérature en 1999, est un des monstres sacrés de la littérature européenne et mondiale. Paru en 1959 en allemand, puis en 1961 dans sa traduction française, son roman le plus connu, Die Blechtrommel (Le Tambour), a été particulièrement salué, commenté et admiré. Comment Oscar Matzerath, le jeune héros et narrateur, âgé de 15 ans en 1939, perçoit-il les combats de Dantzig dont il est le témoin ?
1. La prise de la poste de Dantzig : un événement historique réel.
1.1. Dantzig, le 1er septembre 1939.
Dans les quatre premiers chapitres du second livre du Tambour, Oscar Matzerath, le narrateur, relate un épisode du début de la seconde guerre mondiale auquel il a assisté dans sa jeunesse : la défense de la poste polonaise de la ville de Dantzig (Gdańsk en polonais) contre les forces du Reich hitlérien. Cet événement historique se déroule le 1er septembre 1939 , lors de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne. Nous sommes alors dans les toutes premières heures de la seconde guerre mondiale. Les combats s’étendent sur toute la journée mais, les Allemands parvenant à incendier le sous-sol de la poste puis tout le bâtiment, les postiers polonais de Dantzig finiront par devoir se rendre. La plupart des résistants sont morts durant les combats. Les survivants seront soit fusillés sur le champ, soit condamnés à mort puis exécutés le 5 octobre 1939.
1.2. Les traces de l’Histoire
Pour écrire ces chapitres consacrés à la prise de Dantzig, Günter Grass explique, dans ses Essais de critique ,
être retourné sur les lieux de l’événement :
« Le travail à la version finale du chapitre concernant la défense de la Poste polonaise de Dantzig rendit nécessaire un voyage en Pologne au printemps de 1958. […] Je me rendis à Gdansk par Varsovie. Dans l’hypothèse qu'il y avait encore des survivants parmi les anciens défenseurs de 1a Poste polonaise, je m'informai auprès du ministère de l'Intérieur polonais qui entretenait un bureau où s'entassaient les documents sur les crimes de guerre allemands de Pologne. On me donna les adresses de trois ci-devant employés polonais des Postes (dernière adresse de l'année 1949), mais avec cette restriction : que ces survivants supposés n'avaient pas été reconnus par le Syndicat polonais des Postes (ni autrement de source officielle) parce qu'en automne 1939 il avait été dit publiquement de sources officielles allemande et polonaise que tous avaient été fusillés : sommairement. »
Dès ce travail de recherche, Grass se heurte à la difficulté de retracer la vérité de l’Histoire. Est-il suffisant de se fier à la « vérité officielle » ?
Que la vérité soit bien difficile à établir se voit aussi dans la volonté de travestir les faits passés, en cédant à la tentation de s’inventer un héroïsme historique et familial :
« A Gdansk, je cherchais Dantzig, mais j'y trouvai deux des anciens employés polonais des Postes qui, entretemps, avaient trouvé du travail sur les chantiers navals et étaient tout à fait contents de n'avoir pas été reconnus. Mais les fils voulaient voir les pères en héros et poussaient (sans succès) à leur reconnaissance : comme combattants de la Résistance. Les deux postiers me décrivirent en détail ce qui s'était passé à la Poste pendant la défense. Je n'aurais pu inventer leurs itinéraires de fuite. »
La réalité, si difficile soit-elle à saisir, sert malgré tout de support à la trame du récit...
Retrouver la suite de cet article dans notre recueil "L'enfance en guerre" édité par le musée du Vermandois.
117 pages. 10 euros. illustrations couleurs.
Disponible au musée ou sur demande au 06-10-26-56-68