Un jour..un portrait de féministe: Juliette Lamber
28 févr. 2023JULIETTE LAMBER (1836-1936)
Cette « Grande Française » comme elle fut surnommée en raison de son engagement patriotique lors de la Première Guerre mondiale, écrivaine, polémiste, salonnière et profondément républicaine est sans nul doute une figure influente de la troisième République.
En 1858, elle publie le pamphlet Idées anti-proudhoniennes sur l'amour, la femme et le mariage sous le pseudonyme de J.la Messine (nom de son premier mari) , où elle déconstruit avec ironie la pensée du père de l’anarchisme. Indignée par les propos misogynes, le conservatisme et les représentations inégalitaires de Proudhon, elle développe dans son essai sa vision de la famille, revendique la place des femmes dans les sphères politique et économique et fustige le patriarcat.
« Le rôle de la poule couveuse est très respectable sans doute, mais il ne convient pas à toutes et ce n’est pas si absorbant qu’on veut bien le dire ».
Elle promeut l’égalité des sexes, la mixité sociale, économique et politique, affirmant que c’est la société qui a construit les assignations de genre. Elle repense complètement l’institution conjugale, défendant l’union libre et revendiquant le divorce comme un droit.
Pour elle, le droit des femmes passe par le travail, vecteur d’émancipation.
« Le travail a seul émancipé les hommes, le travail seul peut émanciper les femmes »
Au 19e, les salons ne sont plus réservés aux seuls aristocrates. Les bourgeois font aussi salons, qui deviennent des lieux de sociabilité politique. Juliette fréquente le salon du libre-penseur et philosophe Charles Fauvety, et celui très en vue de Marie d’Argoult dont elle devient la protégée. C’est là qu’elle y croise des figures du féminisme naissant comme Jenny Héricourt et Angélique Arnaud.
En 1865, sur les conseils de Marie d’Argoult, elle ouvre son propre salon où elle reçoit chaque lundi journalistes, hommes politiques et de lois, écrivain.ne.s. Son remariage avec Edmond Adam en 1868 lui ouvre les relations de ce dernier. Le salon devient alors l’un des plus en vue et un lieu d’opposition à Napoléon III.
En 1879, elle fonde et dirige pendant vingt ans le bimensuel Nouvelle Revue . On y croise les grandes plumes de l’époque. La revue est influente et aide à l’émergence d’écrivains comme Loti ou Dumas fils.
« …désenchantée par les médiocres effets du suffrage masculin »
Féministe assumée, elle intègre l’association Le suffrage des Femmes, même si elle rejoint l’antiparlementarisme. Elle apporte également son soutien à l’association l’Avant Courrière qui milite pour « la femme, le droit de servir de témoin dans les actes publics et privés, et pour la femme mariée, le droit de toucher le produit de son travail et d’en disposer librement ».
En 1904, elle contribue à fonder une Académie Féminine (futur prix Femina), l’Académie Goncourt étant jugée trop misogyne.
Malgré une santé censément fragile, Juliette Lamber, personnage à la personnalité complexe, vécut centenaire. Honorée de son vivant, l’histoire aura parfois oublié celle qui a su s’imposer dans des domaines encore très hostiles aux femmes.
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