Dans l’espace dédié aux conflits au musée du Vermandois, une collection de tickets de rationnement témoigne des mesures drastiques mises en place durant la Première Guerre mondiale pour faire face aux pénuries. Ces artefacts historiques offrent l’occasion d’en apprendre davantage sur le fonctionnement et l’impact de ces bons, qui ont marqué la vie quotidienne des Français entre 1916 et 1919.

  Le système de cartes de rationnement, instauré en France entre 1916 et 1917, constitue une mesure essentielle pour faire face aux pénuries engendrées par la Première Guerre mondiale. Initialement introduit à Paris, ce système s’étend progressi-vement aux provinces afin de réguler la distribution des denrées alimentaires et de limiter les abus liés à leur rareté. La mise en place de ces cartes nécessite l’établissement de listes nominatives, permettant ainsi un recensement précis de la population. En mars 1918, une réforme majeure est introduite avec la création de cartes individuelles d’alimentation, conformément à la loi du 10 février 1918 et au décret du 27 juin 1918. Ces cartes visent à assurer une répartition plus équitable du pain et du sucre. Les chefs de famille sont tenus de déclarer les membres vivant sous leur toit, ce qui permet une gestion plus rigoureuse des ressources. Dès 1917, la population française est classée en six catégories distinctes pour l’attribution des tickets de rationnement :

  • Catégorie E : Enfants.

  • Catégorie A : Adultes.

  • Catégorie J : Jeunes.

  • Catégorie T : Travailleurs.

  • Catégorie C : Cultivateurs.

  • Catégorie V : Vieillards.

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Cette classification reflète une tentative d’adapter les rations aux besoins spécifiques de chaque groupe social. Parallèlement, l’envoi des bêtes de boucherie vers le front à partir de 1917 aggrave la pénurie de viande, accentuant les difficultés d’approvisionnement. En avril 1917, le gouvernement impose l’utilisation de farines « plus extraites » et standardise la recette du pain sur l’ensemble du territoire. À partir d’août 1917, la farine et le pain sont rationnés, et la fabrication de pâtisserie est interdite. Les cartes de rationnement pour le pain sont alors généralisées et restent en vigueur jusqu’en 1919. Les travailleurs bénéficient d’une allocation quotidienne de 700 grammes de pain, tandis que les enfants de moins de six ans reçoivent 300 grammes et les adultes 600 grammes. Le pain, base de l’alimentation populaire à l’époque, occupe une place centrale dans le régime alimentaire des Français. Après un arrêté du 10 octobre 1918, les rations sont ajustées : les enfants de moins de trois ans reçoivent 100 grammes, et ceux de moins de 13 ans, 300 grammes. Les cultivateurs de plus de 11 ans et les travailleurs de force voient leur ration réduite à 500 grammes, tandis que les groupes A, J et V se contentent de 400 grammes par jour. Ce n’est qu’à partir d’avril 1919 que les restrictions quantitatives sur le pain sont levées, bien que la qualité habituelle ne soit rétablie que progressivement.

 

Concernant la viande, les restrictions sont sévères : en 1917, sa consommation est limitée à deux fois par semaine, puis à trois fois en 1918. Un arrêté du 11 mai 1918 instaure un système de tickets semestriels pour la viande, qui reste en vigueur jusqu’au début de 1919. Le sucre, quant à lui, est rationné à 750 grammes par mois de 1917 à 1921. Des substituts comme la saccharine sont également distribués contre des tickets. Le rationnement du lait varie selon les régions, tandis que les tickets semestriels permettent, lorsque les stocks le permettent, d’acquérir des produits tels que des pâtes, du riz, des pommes de terre, du chocolat ou de la confiture. Fait notable, le tabac est le seul produit à échapper au rationnement.

Les carburants sont également rationnés de 1917 à la fin de 1918. 

Dans ce contexte de pénurie, les cultivateurs, les habitants des zones rurales et les citadins disposant de jardins ou pratiquant un petit élevage (poulets, lapins, etc.) parviennent généralement à mieux subvenir à leurs besoins. De même, ceux qui ont accès au marché noir bénéficient d’un avantage certain par rapport au reste de la population. Ainsi, le système de rationnement, bien que nécessaire pour assurer une distribution équitable des ressources, révèle des inégalités sociales et géographiques persistantes durant cette période de crise.

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